Quel avenir pour les Parcs Naturels Régionaux ?
Par Dominique JULIEN-LABRUYÈRE - Vice-président de France Ecologie
Rapporteur en 2009, sur la gouvernance locale des Aires Protégées auprès du Ministère de l'Ecologie.
Une autre vie s'invente ici, la belle devise de nos 58 Parcs Naturels Régionaux, est-elle une illusion, une ligne d'horizon inaccessible qui se dérobe dès qu'on l'approche, ou un idéal à conquérir ?
Pour les habitants, producteurs, artisans ou usagers des Parcs Naturels Régionaux, ce sont des bureaucraties qui ne les consultent pas sur les enjeux environnementaux et la protection des sites, car ils les considèrent comme des « clients » ou des « témoins ».
Pourtant la gestion des milieux naturels et des espèces qu'ils abritent nécessitent la mobilisation de tous, de la communauté internationale au simple individu. Mais qui peut agir sur un choix ou une décision, du syndicat mixte d'un Parc Naturel Régional, s'il n'est pas élu Régional, Départemental, ou Communal ?
Dans un monde où Homo sapiens a interagi pendant plusieurs centaines de milliers d'années avec une faune riche et omniprésente, une pratique orientée vers la cohabitation entre toutes les activités humaines et les habitats naturels doit être la base des PNR.
Ou se situe la faille ?
Le décret n°67-158 du premier mars 1967 instituant les PNR, signé par le Président de la République de l'époque Charles de Gaulle, comporte huit articles, tous globalement respectés, 54 ans après, en tenant compte des modifications législatives intervenues depuis.
Le décret affirme, à juste titre, que l'initiative incombe aux communes ou groupements de communes, ce qui est toujours le cas, aujourd'hui, avec l'instauration des Régions.
Mais l'article cinq, est occulté, alors qu'il concerne la concertation au sein des PNR :
(Article cinq. - Le classement en parc naturel régional est subordonné à la présentation de la charte constitutive, ensemble de documents comportant notamment : 1. La définition de l'organisme de droit public ou privé chargé spécialement d'aménager et de gérer le parc avec la participation de représentants des personnes habitant ou propriétaires dans le parc et des usagers de celui-ci, éventuellement groupés en une association...)
Et, un peu plus loin :
(L'indication des mesures qu'il apparaît nécessaire de prendre dans le cadre des dispositions législatives et réglementaires en vigueur et des engagements auxquels souscrivent ou pourront souscrire les collectivités locales, les établissements publics et les particuliers...)
Aujourd'hui, tous les PNR sont administrés par des syndicats mixtes, composés d'élus locaux, les débats entre collègues sont donc consensuels, par nature. Notre système législatif impose à ces élus locaux une sorte de cumul de mandat, ils doivent siéger dans de nombreux syndicats mixtes, alors qu'ils ont été élus pour défendre les intérêts de leurs propres collectivités.
Il est difficile d'imaginer qu'un maire puisse critiquer un autre maire d'une commune voisine sur sa politique urbaine. De ce fait, les syndicats mixte des PNR ne peuvent s'ériger en défenseurs intransigeants de la préservation intégrale de la nature, comme pourrait le faire une association de défense de l'environnement.
Malgré tout, comme ils échappent aux tractations politiciennes nationales, n'étant gérés que par des élus locaux, c'est ce qui fait leur originalité et leur force, ils participent à la mise en place des documents réglementaires en émettant un avis sur leur compatibilité avec la Charte.
Ils interviennent sur les questions urbaines, surtout lorsqu'il s'agit de projets extérieurs, initiés par l'Etat ou par d'importants consortiums privés.
Les équipes techniques, véritables chevilles ouvrières des PNR, gèrent le patrimoine qui leur est confié, avec comme finalité, la protection de la nature, leur action est efficace, mais limitée aux décisions du syndicat mixte.
De leur côté, les associations « Amis des Parcs » restent vigilantes, mais elles ne sont admises autour de la table qu'avec une voix consultative et ne sont écoutées que lorsqu'elles ne remettent pas en cause ce qui a été décidé au préalable.
Alors que nos sociétés sont confrontées, dans ce domaine, à une double équation, une volonté affichée par la grande majorité des citoyens, de défendre leur propre environnement et une demande de participation aux décisions en véritables acteurs de la vie publique.
Il est peut-être temps, de leur faire confiance en leur confiant les clés de la gestion de leurs propres territoires !
Consciente de la nécessité de réformer ce système trop rigide, la Fédération des Parcs Naturels Régionaux a défini les contours d'une nouvelle gestion commune, garantissant l'intérêt général et ouverte à la société civile, pour permettre une démocratie d'initiative.
La Fédération propose de créer un Etablissement Public Parc Naturel Régional, (EP PNR) à inscrire dans le Code de l'environnement.
Cette réflexion de la Fédération pour la mise en place d'une gouvernance moderne, donnerait aux Parcs Naturels Régionaux la possibilité d'intervenir directement dans les débats de fonds concernant les choix d'aménagement sur leur territoire.
Cela permettrait de positionner les PNR comme interlocuteurs dans la biodiversité le développement durable et le tourisme et de justifier de recettes fiscales, ou d'enveloppes budgétaires spécifiques.
En réaffirmant leur mission d'intérêt général, ils pourraient ainsi recourir au mécénat et s'ouvrir à la participation citoyenne.
Ce projet de la Fédération des Parcs Naturels Régionaux, va dans le bon sens. J'ai eu l'occasion de réaliser un rapport en 2009 sur la gouvernance locale des Aires Protégées, je proposais déjà la création d'établissements publics paritaires, pour les PNR, afin d'associer la population à ce qui la concerne au premier plan, la protection de la nature, (propositions 17,18 et19) !
Ces établissements publics, donneraient aux PNR une nouvelle dynamique où « une autre vie » pourrait vraiment y être inventée en y intégrant tous les acteurs du terroir !
Gérés par un Conseil d'administration, composé d'élus, d'habitants, d'usagers, d'acteurs économiques locaux et de représentants du personnel, ces nouveaux PNR pourraient organiser chaque année, une assemblée générale, sous forme de forum, faisant le point sur ce qui a été réalisé et sur les projets à venir.
Ces forums publics ouverts aux élus et aux personnes physiques directement concernées, propriétaires, résidents, professionnels, ainsi qu'aux membres d'associations d'usagers ou de protection de la nature, pourraient être le cœur vital des PNR. Ces débats seraient à l'origine de la création de comités de gestion paritaires permettant à la société civile de participer, de manière directe, à la vie du PNR.
Créer une démocratie participative, sur des territoires dont la vocation est la préservation de la nature, n'est pas facteur de risque. La cohabitation, entre les humains et la nature, malgré l'urbanisation et le changement climatique, constituerait un formidable enjeu pour les PNR.
Ils ont déjà une grande expérience, en matière d'eau, de milieux aquatiques, d'agriculture et de forêt, ils portent un regard nouveau sur le tourisme, le meilleur moyen de connaître la nature, la fréquenter, apprendre à l'aimer et donc la respecter.
Les PNR sont des territoires aux patrimoines naturels et culturels riches et fragiles, avec de réelles protections contractuelles et réglementaires. Ils représentent la richesse de la biodiversité française, ils sont des modérateurs d'étalement urbain.
Mais quel est leur avenir ?
Ils risquent à terme de ne plus être soutenus par les pouvoirs publics, vu leur statut institutionnel spécifique, alors que leur longue expérience les rend agiles, adaptables et inventifs.
Mais sans intégrer à leur action locale, des femmes et des hommes mobilisés et désireux d'agir, ils deviendront rapidement des coquilles vides.
Dans une époque où il est nécessaire d'inventer de nouvelles solutions pour un développement territorial plus soutenable, il serait absurde de se priver d'un outil finalement assez peu coûteux et aussi efficace que les PNR.
Aujourd'hui, aucun espace naturel ne peut être durablement protégé sans l'accord des populations autochtones, pour la métropole comme pour les DOM-TOM. Une réelle gouvernance locale permettrait d'améliorer les solidarités. Les bonnes volontés existent partout, combien d'études ou d'actions sont encore menées sans concertation, alors qu'elles pourraient être réalisées avec et par des habitants, trop heureux d'apporter leur concours et leurs connaissances.
La gouvernance locale des PNR permettrait de réaliser en grandeur nature une démocratie participative sur tout le territoire national. Cette action serait utile à double titre, pour la cohésion sociale en attirant nos concitoyens vers ce qui peut les rassembler pacifiquement, la protection de la nature et pour l'Etat dont l'action dans ce domaine est mal comprise, inaccessible et donc, trop souvent, considérée comme quasi inexistante.
Les Parcs Naturels Régionaux constituent un formidable outil contractuel. Même s'ils bénéficient d'un regain d'intérêt depuis une dizaine d'années, leurs actions, à la fois pour protéger le patrimoine naturel mais aussi en faveur du développement local, ne sont pas perçues à leur juste valeur.
Constituer des établissements publics spécifiques pour ces PNR, en y intégrant les populations concernées comme cela avait été prévu il y a 54 ans, est une priorité nationale pour l'avenir de notre territoire et un exemple pour le futur.
Dominique
JULIEN-LABRUYÈRE